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Hambourg et sa "Cave des délinquants"

Surplombant l’entrée d'une galerie de mine allemande, la mention "𝖛𝖊𝖗𝖇𝖗𝖊𝖈𝖍𝖊𝖗𝕶𝖊𝖑𝖑𝖊𝖗" (VerbrecherKeller) gravée ici en 1915 voit passer depuis des années quelques visiteurs égarés et/ou passionnés…

Fronton de la galerie de mine G23 - "VerbrecherKeller"

L’étude présentée ici devait initialement s’inscrire dans l’analyse complète de cette galerie de mine mais nous avons trouvé opportun de rédiger un article – 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑢𝑛 𝑝𝑟𝑒𝑚𝑖𝑒𝑟 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠 – uniquement sur ce fronton.

Comme quoi une simple trace rupestre, laissée il y a maintenant 107 ans à 8 mètres sous terre, peut encore aujourd’hui révéler beaucoup d’informations…


𝗩𝗼𝗶𝗰𝗶 𝗱𝗼𝗻𝗰 𝗹’𝗮𝗻𝗮𝗹𝘆𝘀𝗲 𝗱𝘂 𝗳𝗿𝗼𝗻𝘁𝗼𝗻 « 𝗩𝗲𝗿𝗯𝗿𝗲𝗰𝗵𝗲𝗿𝗞𝗲𝗹𝗹𝗲𝗿 » 𝗽𝗮𝗿 𝗹’𝗔𝗦𝗔𝗣𝗘 𝟭𝟰-𝟭𝟴 :


« VerbrecherKeller » peut être traduit par « Cave des délinquants » ou « Cave des criminels ». Jusqu’à ce jour, l’histoire locale attribuait cette inscription comme désignation « officielle » donnée par les Allemands à cet ouvrage souterrain offensif.


Cependant, l’armée allemande a pour habitude d’attribuer une lettre de l’alphabet à un secteur et ensuite, un numéro pour chaque galerie de mines (𝐸𝑥𝑒𝑚𝑝𝑙𝑒 : 𝑆𝑒𝑐𝑡𝑒𝑢𝑟 « 𝐾 », 𝑔𝑎𝑙𝑒𝑟𝑖𝑒𝑠 𝐾1, 𝐾2, 𝐾3, 𝑒𝑡𝑐.) ; dans d’autres cas, une dénomination peut être donnée à une galerie suivie de « Stollen » (𝐸𝑥𝑒𝑚𝑝𝑙𝑒 : 𝐾𝑎𝑖𝑠𝑒𝑟 𝑊𝑖𝑙ℎ𝑒𝑚 𝑆𝑡𝑜𝑙𝑙𝑒𝑛).


Exemple de numérotation allemande de galeries de mines


Le terme « Stollen » désigne, en matière militaire, un abri blindé OU une galerie; il nous est donc souvent difficile de différencier l’abri d’un ouvrage souterrain plus complexe.


Nous sommes en mesure aujourd’hui d’apporter des éléments historiques démontrant que cette « Cave des délinquants » n’est en rien le « nom propre » de cette galerie ; il s’agit, une nouvelle fois, d’un raccourci historique qui perdure depuis des années, dénué de toute recherche approfondie.


Il s’agit ici d’une référence directe à la ville d’Hambourg, dont est originaire un nombre non négligeable des hommes appartenant à l’effectif du GR89. Ce régiment fait partie du 9ème Corps de l’armée allemande qui regroupe des hommes provenant du Schleswig-Holstein (Régiments GR89, FR90, PB9), ainsi que d’hommes provenant de la région des anciennes villes de la Hanse telles que Brème, Lübeck et Hambourg (Régiments IR76 et IR75).


Situé dans le quartier du « 𝐺𝑎̈𝑛𝑔𝑒𝑣𝑖𝑒𝑟𝑡𝑒𝑙 », et plus précisément dans la Niedernstrasse-Ecke Debenau (au Coin DEBENAU), existait bel et bien un établissement portant le nom de « VerbrecherKeller » ; c’était même un établissement bien connu dans toute la ville – mais dans le mauvais sens du terme –.


Un lieu très mal fréquenté où l’alcool coulait à flots, le lieu incontournable pour le trafic de drogue (principalement l’opium), de la prostitution et la contrebande. Les enfants eux-mêmes étaient envoyés par leurs parents pour commettre leurs larcins dans le quartier, notamment voler les passants qui s’aventuraient dans ce quartier…


La VerbrecherKeller est très clairement un repère de brigands, un coupe-gorge et ceux qui, malencontreusement, s’y égaraient finissaient – au mieux – dépouillés de tous les objets de valeur qu’ils possédaient.

Le patron de l’époque, fera imprimer des publicités afin d’attirer les « touristes » vers son établissement ; certains seront même assassinés dans l’arrière-pièce, pendant que les beuveries continueront dans la pièce voisine !


Il nous parait donc peu vraisemblable que les soldats allemands, quelques années plus tard, se soient sentis « nostalgiques » de ce coupe-gorge à la réputation sulfureuse dans leur ville d’origine.

Nous pensons plutôt qu’il s’agit d’une référence à l’insécurité qui pouvait régner aux abords et dans cette galerie de mine et qui – par cet aspect – leur rappelait ce quartier malfamé d’Hambourg.


C’est certainement une allusion à l’insalubrité qui a frappé le quartier de la Verbrecherkeller d’Hambourg avant la Grande Guerre ; d’après les témoignages d’époque, ce quartier était humide, grouillant de poux, de puces et de rats. Pas étonnant donc que ce soit à partir de ce quartier surpeuplé d’Hambourg, que l’on désignait d’ailleurs comme le plus grand bidonville d’Europe, que débutèrent plusieurs épidémies de choléra et notamment celle de 1892.


La majorité des soldats originaires d’Hambourg ont d’ailleurs connu cette épidémie survenue 22 ans avant l’entrée en guerre de l’Allemagne.

Hambourg étant une ville riche et marchande, de par sa position économique, les autorités tenteront de dissimuler, puis de minimiser cette épidémie afin de ne pas nuire aux profits énormes liés au commerce de la ville.


𝗟𝗲 𝗿𝗲́𝘀𝘂𝗹𝘁𝗮𝘁 𝗱𝗲 𝗰𝗲𝘁𝘁𝗲 𝗽𝗼𝗹𝗶𝘁𝗶𝗾𝘂𝗲 : plus de 8500 habitants trouveront la mort durant cette grande épidémie !


Ainsi, les abords de cette galerie en 1914/1915 devaient être également insalubres et les rats devaient y proliférer. Les soldats pénétrant dans cette galerie de mine devaient – très probablement – ressentir les mêmes impressions que les nombreuses victimes du patron de la VerbrecherKeller, à savoir l’incertitude de pouvoir ressortir vivant de cet espace souterrain.


La présence, à quelques mètres de ce fronton, d’un cœur gravé sur la paroi avec le nom de la ville d’Hambourg confirme bien le lien entre les hommes en poste dans cette galerie et cette ville.


Ce n’est pas la première fois que l’ASAPE 14-18 fait le lien entre une dénomination allemande de la Grande Guerre et un lieu de la ville d’Hambourg ; en effet, non loin de là, deux sorties aménagées par les Allemands du Gr89 dans la 𝕾𝖙𝖗𝖊𝖑𝖎𝖙𝖟 𝕳𝖔̈𝖍𝖑𝖊



(𝐿𝑎 𝑐𝑎𝑟𝑟𝑖𝑒̀𝑟𝑒 𝑠𝑜𝑢𝑡𝑒𝑟𝑟𝑎𝑖𝑛𝑒 𝑑𝑒 𝑐𝑎𝑛𝑡𝑜𝑛𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑢 2𝑒̀𝑚𝑒 𝐵𝑎𝑡𝑎𝑖𝑙𝑙𝑜𝑛 𝑑𝑢 𝐺𝑅89 𝑑’𝑜𝑐𝑡𝑜𝑏𝑟𝑒 1914 𝑎̀ 𝑜𝑐𝑡𝑜𝑏𝑟𝑒 1915) portent les noms de « 𝗞𝗲𝗵𝗿𝘄𝗶𝗲𝗱𝗲𝗿 » et « 𝗡𝗲𝘂𝗲 𝗪𝗲𝗹𝘁 ».


Elles font une nouvelle fois références à Hambourg :


« Kehrwieder » est un quartier bien connu de son port, lieu où les proches de voyageurs ainsi que les femmes de marins qui embarquaient pour ailleurs ou le Nouveau Monde (« 𝐷𝑖𝑒 𝑁𝑒𝑢𝑒 𝑊𝑒𝑙𝑡 ») leur disaient au revoir et espéraient les voir revenir, sains et saufs.


De nos jours, ce lieu garde toujours cette dénomination dans le port d’Hambourg. Il est possible de traduire « Kehrwieder » par « Revenez-Nous » ; cependant, la définition exacte reste difficile à établir car ce terme est un dérivé du patois local : le Groningois, lui-même dérivé du Bas-Saxon –𝑐𝑒 𝑑𝑒𝑟𝑛𝑖𝑒𝑟 𝑝𝑜𝑠𝑠𝑒́𝑑𝑎𝑛𝑡 𝑒𝑛𝑐𝑜𝑟𝑒 8 𝑑𝑖𝑎𝑙𝑒𝑐𝑡𝑒𝑠 –.


A l’inverse, le quartier de la VerbrecherKeller – jadis l’un des plus grands bidonvilles d’Europe – fut totalement rasé en juillet 1943 lors du deuxième plus gros bombardement aérien sur l’Allemagne. Cette ville connaîtra l’une des dernières offensives sur le sol allemand de la Seconde Guerre mondiale, fin avril 1945, moins de 2 jours avant le suicide d’Hitler.



Aujourd’hui, ce quartier – avec son passé sulfureux et son insalubrité notoire – est devenu l’un des quartiers les plus touristiques d’Hambourg avec de nombreux magasins pour le shopping de luxe.





Pour finaliser nos recherches sur ce fronton, nous avons pris contact avec la ville d’Hambourg pour leur faire part de cette analyse et des nombreuses traces de leurs concitoyens encore présentes dans le sous-sol de notre secteur ; nous espérons rester en contact avec les Services Historiques de la ville pour les années à venir.

𝐃𝐞́𝐜𝐨𝐮𝐯𝐫𝐞𝐳 𝐬𝐮𝐫 𝐧𝐨𝐬 𝐬𝐮𝐩𝐩𝐨𝐫𝐭𝐬 𝐦𝐞́𝐝𝐢𝐚𝐬, 𝐥𝐞 𝟐𝟏 𝐨𝐜𝐭𝐨𝐛𝐫𝐞 𝟐𝟎𝟐𝟐, 𝐥’𝐚𝐧𝐚𝐥𝐲𝐬𝐞 𝐜𝐨𝐦𝐩𝐥𝐞̀𝐭𝐞 𝐞𝐭 𝐢𝐧𝐞́𝐝𝐢𝐭𝐞 𝐝𝐞 𝐜𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐠𝐚𝐥𝐞𝐫𝐢𝐞 𝐝𝐞 𝐦𝐢𝐧𝐞 𝐚𝐥𝐥𝐞𝐦𝐚𝐧𝐝𝐞.


𝘈𝘳𝘵𝘪𝘤𝘭𝘦 𝘈𝘚𝘈𝘗𝘌 14-18 (©) - 𝘵𝘰𝘶𝘴 𝘥𝘳𝘰𝘪𝘵𝘴 𝘳𝘦́𝘴𝘦𝘳𝘷𝘦́𝘴

L’EQUIPE ASAPE 14-18


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