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FRANZ-JOSEPH Tunnel (1915) - VECHTRITZ Tunnel (1916) : Deux tunnels pour un front commun.

Projet - à long cours - lancé par l’ASAPE 14-18 durant l’hiver, nous vous présentons les premiers résultats de l’étude topographique et historique du tunnel de la carrière souterraine « Adolf Friedrich Höhle ». 



L’appellation de cette carrière se traduit par « Carrière d’Adolf Friedrich ». Elle fait référence à Adolphe-Frédéric de Mecklembourg , Duc de Mecklembourg-Schwerin. Celui-ci viendra– en personne – inspecter l’organisation de cette carrière et les positions environnantes lors de la journée du 16 Avril 1915. Cette venue sera également l’occasion pour lui de remettre des décorations de guerre aux différents hommes s’étant illustrés sur le secteur.  


La dénomination des tranchées du secteur ainsi que leurs organisations sont effectuées par les soldats du Grenadier Régiment 89 (Grossherzogliches Mecklenburgisches Grenadier-Regiment Nr. 89)  qui découvrent ici sur le secteur de l’Oise : La guerre de position.  Ces derniers sont mobilisés dans la région du Mecklembourg-Schwerin, située au nord de l’Allemagne. Ils vont nommer les carrières souterraines, les tranchées et les boyaux avec des noms ou lieux faisant référence à leur Duché.


C’est à ces soldats- en position ici dans l’Oise durant 1 an, du 01/10/1914 au 12/10/1915- que nous devons une grande majorité des tunnels de liaisons et des galeries de mines du secteur.  

Ce régiment n’hérite pas d’un secteur calme comme on peut laisser croire. Cette position est stratégique et ne doit pas être cédée aux Français, sous peine d’avoir l’arrière front- totalement à découvert.

Pour s’assurer que cette situation n’arrive pas, les Allemands vont doubler – à cet endroit précis – leur première ligne.

A l’initiative de ce régiment et de la Kompanie de Pionniers qui les accompagnent, ils prennent l’initiative de protéger également le dessous de leur première ligne, par la construction d’une quarantaine de galeries de mines qui s’avancent sous le « no man’s land » vers les premières lignes françaises à des profondeurs atteignant souvent les 25 à 30m.  

Notons que toutes ces constructions de galeries de mines n’ont– à ce moment-là – (Fin 1914 – début 1915) aucune vocation « offensive ».  (C’est-à-dire qu’elles ne visent aucun objectif ennemi)


Les Allemands adoptent ici une stratégie dite de « la défense passive par la mine ». Les galeries ne sont alors utilisées qu’à des fins « d’écoute(s) » afin de détecter les bruits de forage provenant des lignes françaises. Ces bruits pourraient signifier que l’ennemi débute des galeries de mines dans leur direction.

Les bruits se propageant au travers la roche sur ce secteur portent à plus de 100m dans le sous-sol calcaire-  comme l’a démontré notre étude inédite que vous pouvez retrouver à cette adresse  https://www.asape1418.fr/post/les-écoutes-souterraines-du-puits-n-7 


Fin Janvier 1915, les Allemands détectent des bruits évoquant le début des travaux de mines français. Ces travaux sont proches des lignes allemandes et menacent directement une carrière souterraine (𝕾𝖙𝖊𝖎𝖓-𝕳𝖔̈𝖍𝖑𝖊) qu’ils occupent et aménagent depuis quelques mois…

Ordre est donné de déclencher les premières explosions de mines pour détruire les ambitions souterraines françaises.

Cet évènement marque le début de la guerre de mines du secteur et donnent par la même occasion un sérieux avertissement aux soldats français. En effet, celui qui est à l’initiative de la guerre de mines obtient d’ores et déjà un sérieux avantage sur son adversaire… Force est de constater – coté français – que les Allemands sont déjà sous leurs pieds…  

Dès le début de l’année 1915, le secteur est ainsi verrouillé – en surface- comme sous terre.  

Pour l’Histoire, aucune offensive ne sera réitérée sur ce secteur précis après la fin Décembre 1914 et cela, durant tout le reste de la guerre de position. (Septembre 1914-Mars 1917).

Début 1915, les Allemands s’étant prémunis – via des galeries de mines - d’une attaque « par le dessous », il leur reste à protéger des tirs d’artillerie, les hommes stationnés dans les tranchées.




C’est pour répondre à cette problématique, que les Allemands élaborent un tunnel depuis la carrière 𝕬𝖉𝖔𝖑𝖋 𝕱𝖗𝖎𝖊𝖉𝖗𝖎𝖈𝖍 𝕳𝖔̈𝖍𝖑𝖊 vers la seconde ligne de défense. 


Le 12 Octobre 1915 ; le régiment IR94 (Infanterie-Regiment Großherzog von Sachsen 5. Thüringisches Nr. 94) succède au GR89 dans la carrière Adolf Friedrich Höhle. Ils relatent, dans leur Historique, l’organisation souterraine déjà existence dans leur nouveau lieu de cantonnement.  Le tunnel étudié ici fait bien partie des ouvrages réalisés et en fonction...  

Ce témoignage permet d’attribuer la construction de ce tunnel aux hommes qui précèdent ceux du témoignage d’Octobre 1915. C’est-à-dire ceux du Grenadier Régiment 89 qui stationnent bien dans cette carrière d’Octobre 1914 à Octobre 1915. Deux traces rupestres laissées au noir de fumée sur le plafond du tunnel correspondent d’ailleurs à des hommes du GR89.




Il s’agit de Hans Jensen et Richard Lehmann, tous deux incorporés dans la 8. Kompanie, du deuxième bataillon. (II/GR89).  Hans est déclaré comme « manquant » le 04 Août 1916 et par la suite, déclaré mort. Richard sera quant à lui grièvement blessé quelques jours après Hans, le 10 Août 1916.  Ils sont alors en ligne devant le village de BARLEUX (Somme).








Notons au sujet des traces rupestres inventoriées, l’existence d’une seule trace régimentée, portant les indications « IR48 » pour (Infanterie-Regiment von Stülpnagel (5. Brandenburgisches) Nr. 48). Les bataillons II et III de l’IR48 occuperont bien ce front entre le 05 mai 1916 et le 26 septembre 1916, avant de rejoindre leurs camarades du I/IR48 engagés dans la Bataille de la Somme depuis le 01 Juillet 1916.


Le tracé du tunnel va être rectiligne et mesurer : 91 mètres de longueur. Si l’on reporte ce tracé avec le réseau de tranchées situées en surface, l’orientation place cet ouvrage souterrain, parallèle au front - sous la doublure de la première ligne -. Doublure prénommée « Chaussée Stellung ». (Position de la chaussée) du fait qu’elle occupe une ancienne voie carrossable.

Nos relevés laser ainsi que notre topographie complète de l’ouvrage permettent à ce jour de placer l’ouvrage à- précisément - 8m35 de moyenne sous la surface.





Deux autres traces rupestres sont à rattacher directement aux travaux de construction de ce tunnel :

-       La première est une indication laissée au noir de fumée sur le plafond de la galerie. Cette trace représente une croix ainsi qu’une courbe.  Elle indique aux équipes de Pionniers, l’angle de direction à prendre – à partir de ce point - pour la suite des travaux.   

-       La seconde - elle aussi laissée au plafond et au noir de fumée – se compose d’une série de trois chiffres : « 933 », ainsi qu’une croix. Nous pensons qu’il s’agit ici de la profondeur estimée par les allemands du sol du tunnel jusqu’à la surface (soit 9m33). Notre topographie révèle qu’en ce point précis, la surface se trouve en 2024 à 8m45 du sol du tunnel.  Tout laisse donc à penser qu’il y a de 108 ans le sol du champ de bataille était plus haut. La différence étant d’à peine 88cms, l’hypothèse que la technologie moderne est bien plus précise qu’à l’époque peut être retenue. 



De par ses dimensions (2m20 de hauteur sur 2m de largeur) la finalité de l’ouvrage ne fait aucun doute : Il s’agit bien de faciliter le mouvement des troupes et du matériel de la zone de cantonnement souterraine vers le réseau de tranchées de surface (et inversement). Un témoignage d’époque apporte l’information que transitaient par ce tunnel : « hommes et munitions » mais également « les blessés, les corps des morts ainsi que tout le matériel nécessaire a la conduite de la guerre de mines ».

Parfaitement taillé dans la strate calcaire porteuse, il ne nécessitera qu’a un seul endroit de l’étayage du fait de la découverte d’une faille de sable par les mineurs allemands lors de la construction. Cette portion fragile d’une dizaine de mètres, l’est encore de nos jours… Le sable a désormais comblé la galerie du tunnel sur 1m50 de hauteur.  Toutefois, le travail d’étayage réalisé à l’époque est encore bien visible sur les parois (Vestiges de madriers, etc…).



Le tunnel sera électrifié pour quelques lampes et des supports de câbles téléphoniques encore présents laissent suggérer que le réseau filaire provenant de la surface vers le poste de commandement circulait via ce tunnel.  

Si on s’en réfère aux autres tunnels du secteur aux dimensions identiques et cheminant dans la même strate rocheuse, ce tunnel a dû être construit en moins d’un mois et demi à l’aide d’explosifs. Un vestige de ces charges d’explosifs est d’ailleurs encore en place dans l’un des trous de forage, sur un front de taille.

Les déblais liés à sa construction vont être évacués dans la carrière par des wagonnets circulant sur voie étroite (60cm d’écartement). Les emplacements des traverses sont encore bien visibles au sol ainsi que les traces de frottement des wagonnets sur certaines parois du tunnel.

Sept sorties - comprenant des escaliers - permettent aux troupes de remonter vers la surface. Elles déboucheront- en grande majorité - dans la doublure de la première ligne. Elles sont aujourd’hui toutes bouchées et se trouvent entre 1m60 et 1m80 de profondeur. Certaines d’entre elles se divisent à mi- pente en « double sortie », facilitant encore plus le mouvement des troupes, notamment lors des relèves.

La sortie plus importante se trouve à l’extrémité du tunnel. Il s’agit de sa sortie principale et permet de faire la jonction entre la carrière de cantonnement Adolf-Friedrich Höhle et la seconde ligne de tranchée allemande : « Düring Stellung ».

Les cartes allemandes en notre possession indiquent cette sortie comme étant « Franz Joseph Ausgang » (La sortie Franz-Joseph). 





Cette appellation fait référence à Franz-Joseph 1°, Empereur d’Autriche-Hongrie, allié de l’Empire Allemand depuis 1882 et faisant partie de la « Triple alliance » par la suite. 

Après avoir étudié les historiques et les archives laissés par les régiments allemands stationnés dans cette carrière entre 1914 et 1917, une piste est découverte sur une carte d’état-major de 1916.

è Il s’agit d’une récurrence, relevée dans l’appellation de chaque sortie principale de tunnels sur ce secteur prévis :  





Les noms des sorties principales des tunnels reprennent dans leurs dénominations celui du tunnel auquel ils sont rattachés...


L’exemple du « Kaiser Wilhelm Tunnel » qui a comme sortie principale « Kaiser Wilhelm Ausgang » n’est qu’un exemple parmi la dizaine de tunnels majeurs que compte cette petite portion du front de l’Oise.  

Dès lors, nous pouvons en déduire que la sortie « Franz-Joseph Ausgang » reprend dans sa dénomination… le nom du tunnel auquel elle est rattachée.  

Si l’on suit cette logique :  Le tunnel se dénommerai « FRANZ-JOSEPH Tunnel ».

 

Ce sont ces recherches qui nous ont permis dans le même temps d’identifier un autre tunnel à proximité et encore inexploré à ce jour.  

 

Une mention manuscrite sur une autre source cartographique indique en extrémité du tracé du FRANZ-JOSEPH Tunnel : « Nach dem Franz-Joseph Ausgang und dem Vechtritz Tunnel ». (Vers la sortie Franz-Joseph et le Vechtritz Tunnel) …

Cette mention laisse donc supposer qu’il existerait un accès vers un autre tunnel prénommée « VECHTRITZ Tunnel ».


Le dénomination « VECHTRITZ » fait directement référence au Major Von VECHTRITZ du troisième bataillon de l’IR94. Sa présence et son bataillon sont confirmés dans cette carrière entre Octobre 1915 et Mai 1916. Le nom du tunnel semble bien cohérent avec les forces en présence sur le secteur.  Plusieurs traces rupestres dans la carrière sont d’ailleurs de cette unité.

Ces éléments - ainsi que l’implication du Régiment d’Infanterie N°94 dans l’élaboration de plusieurs tunnels du secteur- tendent bien à confirmer « d’un point de vue historique » l’existence d’une section de tunnel supplémentaire réalisée par les hommes du troisième bataillon de l’IR94 sous la direction du Major Von VECHTRITZ entre Janvier 1916 et Mai 1916.



Des plans de ce tunnel découverts dans les archives du Land de Thuringe (Freistaat Thüringen), laissent apparaitre deux sections bien distinctes.  

·         La première section semble finalisée et fonctionnelle dès l’année 1916. Elle s’étendrait sur environ 87m et comprend une sortie surface nommée « Wald-Eck Ausgang ».  

·         L’autre section du VECHTRITZ-Tunnel est indiquée – en Octobre 1916 - comme « en construction ». Cette partie de tunnel pourrait s’étendre sur environs 218m avec également une sortie surface nommée « Molkte-Strasse Ausgang ».

 

Avec ces deux sorties mentionnées sur les plans d’archives, l’ASAPE 14-18 et son partenaire DRONE-RECO ont déployé un drone équipé d’une caméra LIDAR L1 au-dessus des possibles débouchés de sorties du VECHTRITZ Tunnel.

 

Les résultats confirment les données de la carte :

La sortie « WALD-ECK Ausgang » existe bien. Un affaissement caractéristique d’un puits partiellement comblé est bien distinct sur les relevés du LIDAR.

La sortie « MOLKTE-STRASSE Ausgang » n’a - quant à elle - pas été détectée par le capteur LIDAR. Toutefois, un affaissement assez important est relevé à proximité de cette possible sortie. Il faut donc mener une analyse – in situ – par le Staff ASAPE 14-18 – pour lever le doute.

Bien que les Allemands aient quitté le secteur de l’Oise en Mars 1917 lors de l’Opération ALBERICH, la période comprise entre Octobre 1916 et Mars 1917- période notée comme « tunnel en construction » - laisse aux Allemands bien assez de temps pour finaliser ces 218m de tunnel restant.  


D’un point de vue purement technique, ces 218 mètres peuvent être achevés en 3 mois. Soit, avant le départ des Allemands de l’Oise pour la ligne Hindenburg en Mars 1917.

Cependant, le contexte militaire bien particulier de l’année 1916 (Bataille de Verdun, Bataille de la Somme…) nous interroge sur la poursuite d’un tel chantier souterrain alors même que la plupart des meilleurs régiments et hommes d’expérience sont décimés sur les « points chauds » du front de la terrible année 1916…

D’autre part, le dernier régiment sur notre secteur – à qui nous pouvons attribuer avec certitude la paternité d’un tunnel - quitte l’Oise le 26 Septembre 1916… (Il s’agissait de l’Infanterie Régiment – IR.48).


Les deux régiments suivants seront ceux de réservistes (RIR210 et RIR212). Tous deux reviennent de la Bataille de la Somme. Leur moral est au plus bas après avoir essuyé de lourdes pertes, notamment devant le village de Courcelette.  

Dès leur prise de position dans notre secteur de l’Oise, beaucoup d’entre eux désertent vers les lignes françaises en se constituant prisonniers tout en livrant de précieuses informations aux forces françaises, comme en attestent les comptes rendus d’interrogatoires que nous avons en notre possession.

Difficile donc d’imaginer – à cette période de la guerre et avec le moral de ces hommes - la poursuite d’un tel chantier sur notre secteur de l’Oise.

D’autant plus que l’état-major allemand prépare son retrait stratégique à une quarantaine de kilomètres en arrière de cette position…


Avec ces éléments, nous avançons l’hypothèse que seuls, les 87 premiers mètres du « VECHTRITZ Tunnel » ainsi que sa première sortie « Wald-Eck Ausgang » sont bien construits durant le premier trimestre 1916. C’est d’ailleurs ce que révèlent la confrontation entre les cartes d’époques (1915 et 1916) et nos relevés LIDAR (2024).

 

Impossible – à ce stade des connaissances – de se prononcer sur l’existence ou non des 218m indiqués sur la carte comme « en construction ». La sortie de cette section n’apparaissant pas sur nos relevés LIDAR, nous ne pouvons qu’émettre des doutes sur la présence d’un tunnel à cet endroit.

Il y a donc de forte probabilité que ce projet souterrain ait été abandonné au départ du dernier régiment « d’active » - C’est-à-dire à la fin du mois de Septembre 1916.

Pour en apporter la preuve historique indiscutable il n’y a qu’un seul moyen : - Découvrir un accès à ce tunnel via la surface et en faire l’état des lieux.





 

 

 

 

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