Notre saison 2024 est d’ores et déjà marquée par un nombre important d’effondrements de surface. Ce sont les conditions climatiques qui règnent sur une grande partie nord de l’Hexagone qui en sont principalement la cause.
Alors que notre saison de recherches terrain débute habituellement début Mars, nous avons dû cette année engager nos équipes dès la mi-Janvier afin de répondre aux nombreuses demandes de propriétaires, agriculteurs et mairies. La fin de saison 2024 sera vraisemblablement rallongée également de plusieurs semaines afin de finaliser les projets et cours.
L’excédent pluviométrique frôle désormais les 40% sur l’Est du département de l’Oise et a pour conséquence la saturation des sols en eau. Ce phénomène induit une fragilité des plafonds, des vides souterrains qui - dans certains cas - se trouvent être ceux d’abris, de sapes ou bien encore de tunnels.
106 ans nous séparent de la fin de la Grande Guerre… et dès 1919, il fallut niveler les tranchées, nettoyer les champs de batailles des cadavres et du matériel laissés au sol par plus de trois ans et demi de guerre statique. Toutefois, il n’était pas concevable à l’époque de remblayer – en plus des tranchées - les nombreux vestiges souterrains tels que les abris, tunnels et galeries.
La méthode consistait alors à jeter dans ces espaces, le matériel de surface, explosifs ou non… L’entrée des abris était soit fermée par des bobines de barbelés ou par une tôle en guise de fermeture. Quelques mètres de terre étaient alors jetés par-dessus avant le nivellement.
C’est ainsi que des milliers d’abris ont disparu du paysage du Front 14-18. Une centaine d’années plus tard, la rouille a fait son effet sur le l’acier des barbelés et des tôles… Ce sont ces « fermetures de fortune » qui cèdent généralement en premier. Sans compter le poids des engins agricoles modernes qui, désormais, peuvent atteindre, 25 à 30 tonnes, notamment pour la récolte des betteraves…
Lorsque ces fermetures provisoires installées après-guerre cèdent, cela a pour conséquence, un affaissement typique en pente plus ou moins douce. La terre de surface et les pluies vont ensuite remplir progressivement l’intérieur de l’abri.
Ce fut cette situation lors de l’analyse de l’abri allemand située sur la tranchée WEDDIGEN en 2020 :
⃝ Souvenez-vous : https://www.asape1418.fr/post/weddigen-weg-d-autrêches
Dans d’autres cas, c’est le plafond de ces constructions souterraines qui cède plus ou moins totalement. Cette rupture laisse alors apparaître dans les cultures un affaissement de terrain sans pour autant donner accès directement à l’abri.
Ce fut notamment le cas, lors de la découverte de l’abri français dans la tranchée LAPARRA par l’ASAPE 14-18 en 2021.
⃝ Souvenez-vous : https://www.asape1418.fr/post/ouverture-d-une-tranchée-française
En règle générale et cela - peu importent les belligérants - les plafonds de ces abris se situent au minimum à 3m de profondeur. Si cette profondeur est inférieure, il s’agit alors d’un abri dit « couvert » souvent constitué de tronc d’arbres et de sacs de remblais. Toutefois, d’autres abris sont- eux - qualifiés de « résistants aux bombes ». Ils atteignent alors les 6m de profondeur et sont, dans certains cas, renforcés par des traverses en fer. Pour ces derniers, il est donc assez rare que le plafond - même 106 ans plus tard - cède.
Peu importe le type de structure souterraine se trouvant en dessous de l’affaissement de surface, c’est la gravité et donc - le poids du dessus - qui fait céder plus ou moins vite le plafond ou bien la fermeture provisoire installée après-guerre.
Certaines forces peuvent s’exercer pendant plusieurs mois avant d’atteindre le point de rupture. Il est alors possible de détecter ces signes avant-coureurs avec les technologies modernes notamment à l’aide du LIDAR qui mesure les variations du sol de l’ordre du centimètre. Dans d’autres cas, la rupture peut se faire instantanément après un fort orage ou bien lors du passage d’un engin agricole sur une zone fragilisée par le temps.
Nous revenons succinctement ici sur 4 affaissements fortuits du secteur et pour lesquels nous avons eu l’occasion de mener une analyse, voire d’engager notre équipe- terrain
· HÖHE 140 :
Il s’agissait d’un affaissement de surface situé en pleine culture d’environ 2m de profondeur. L’emplacement le situe loin dans les arrière-lignes allemandes (3.500m du front) mais à proximité des positions d’artillerie de 1914-1917. Un passage LIDAR en drone nous permet d’ailleurs de localiser les emplacements d’une batterie de 4 canons à 340 mètres au Nord-Ouest. Après un engagement de notre équipe-terrain sur ½ journée, nous atteignons rapidement la couche de limon sablonneux au fond de l’affaissement. Les conditions de sécurité ne sont alors plus réunies pour pousser plus loin les investigations... Nous concluons qu’il s’agit d’un effondrement naturel, de toute évidence de type « Fantôme de roche ».
C’est-à-dire une poche de sable dans la couche calcaire qui s’est purgée, causant un affaissement jusqu’à la surface.
· ALTE STELLUNG :
Située en première ligne allemande (1914-1917) et en plein cœur d’un secteur dans lequel s’est cristallisée la Guerre de Mines du secteur, l’affaissement ALTE STELLUNG nous a permis l’accès direct à un très bel abri comprenant une double sortie vers la première ligne. Ce dernier, parfaitement taillé dans le sol calcaire, présente les dimensions de 6m de longueur sur 3m de largeur. Malheureusement, aucun départ de galerie de mines dans cet abri et les fortes précipitations l’ont rapidement inondé aux trois-quarts, recouvrant les parois d’une couche de boue et nous empêchant la découverte éventuelle de traces rupestres. Un second abri est en cours d’affaissement à quelques dizaines de mètres du premier mais, pour le moment, aucun effondrement. Des discussions sont toujours en cours avec le propriétaire du terrain afin d’engager le Staff ASAPE sur cette structure souterraine avec notamment l’utilisation d’une pompe de relevage pour évacuer l’eau et la boue de l’abri.
· BURG STELLUNG :
Intervention à la demande d’un propriétaire pour deux effondrements de surface dans des arrière-cours d’habitations. Le premier effondrement donne accès à une ancienne cave voutée, rebouchée à une période indéterminée. Pas de graffitis visibles dans cette cave comblée quasiment jusqu’au plafond. Le second affaissement est -quant à lui- plus intéressant car il donne accès à un puits profond d’une dizaine de mètres au fond duquel semble prendre naissance une galerie. L’affaissement étant actuellement sécurisé et sur une propriété privée, nous interviendrons prochainement avec un équipement adapté au fond du puits pour voir ou mène cette galerie.
· BERG STRASSE :
Dernier affaissement en date celui survenu dans une tranchée de première ligne allemande (1914-1917) prénommée « Berg Strasse ». Il est situé en bordure immédiate d’une voie carrossable. C’est une zone surveillée depuis des années par les membres de l’ASAPE 14-18 du fait de sa forte densité de tunnels majeurs encore inexplorés. (Nous entendons par « majeurs » des tunnels mesurant d’après les standards allemands 1m60 de large sur 2.20m de hauteur).
La primo-analyse laisse apparaître ce qui semble être un départ de galerie au fond de l’affaissement. Compte tenu de la configuration des lieux et de l’effondrement qui tend à glisser sous la chaussée, la municipalité restreint la circulation par un arrêté le temps de l’intervention de l’ASAPE 14-18.
Le LIDAR est dans un premier temps engagé pour permettre de géo - localiser avec précision l’effondrement. Les données issues de cette technologie, couplée avec les historiques et éléments cartographiques d’’époque, indiquent qu’il s’agit très certainement d’une des sorties surface d’un tunnel allemand qui a cédé avec les fortes précipitations. Une caméra endoscopique est alors passée par notre équipe entre les pierres afin de découvrir ce qui s’y cache. Ces images confirment bien la présence du tunnel. Une intervention est alors programmée et va durer un peu plus de 48h avec - à la clef - la découverte partielle de ce tunnel allemand datant de 1915. Cette découverte fera l’objet d’une publication et d’une analyse historique complète, courant Octobre 2024 sur tous nos supports médias.
Nous saluons une nouvelle fois les propriétaires partenaires de l’ASAPE 14-18 qui nous signalent les affaissements sur leurs propriétés avant d’engager des travaux pour les reboucher. Nous avons conscience que ce genre d’évènement reste contraignant, surtout pour les agriculteurs qui - en période hivernale - préparent leurs champs pour les cultures. Nos interventions sur ces affaissements fortuits permettent de compléter les connaissances historiques du secteur et, dans certains cas, donnent lieu à la découverte de graffitis signés de soldats de la Grande Guerre.
L’ASAPE 14-18 cherche à répondre favorablement aux demandes d’intervention sur les affaissements de terrain. Priorité est donnée aux recherches sur le secteur de l’Oise, mais nous pouvons – à titre exceptionnel – nous déplacer sur le front 14-18, si toutes les conditions et autorisations sont réunies.
Vous pouvez faire une demande d’intervention auprès de notre équipe terrain en les contactant par mail à cette adresse : asape1418staff@gmail.com
L’EQUIPE ASAPE 14-18
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