« SCHACHT STOLLEN » - Le double objectif des Pionniers…
- Staff ASAPE
- 19 sept.
- 15 min de lecture
Dans le cadre de l’étude des galeries de mines allemandes se situant face au réseau souterrain français « Puits V et Va », nous présentons l’analyse historique de la galerie de mine allemande « SCHACHT STOLLEN ».

Bien que la topographie réalisée par l’association ne laisse place qu’à très peu de doutes quant à la finalité stratégique de cette galerie de mine, la présence d’un puits, directement creusé dans le cheminement de la galerie principale, est une énigme que nous allons tenter de résoudre.
Cette galerie est l’unique galerie de mine allemande du secteur ne prenant pas naissance dans la tranchée de première ligne. En effet, les constatations terrain, confirmées par un survol LIDAR de la zone, place l’entrée de cette galerie dans un boyau menant à un petit poste avancé. Les sources cartographiques en notre possession indiquent que les Allemands nomment ce petit poste avancé « S3 » pour « Sapen 3 ».
Bien qu’il s’agisse d’un boyau menant à une position avancée d’environ 15 mètres en avant de la première ligne, la distance séparant les belligérants allemands et français durant cette période de guerre de position reste tout de même de 93 mètres.
La galerie SCHACHT Stollen marque également la jonction entre deux bataillons allemands : sur la droite de cette galerie, le régiment GR89 est remplacé par l’IR94 à compter d’octobre 1915, sur la gauche, le FR90 est remplacé par l’IR95 à la même date ; tout juste revenus de Russie.

Elle présente un développement de 77 mètres et atteint la profondeur de 24,50 mètres en son extrémité ; c’est le niveau d’attaque allemand le plus profond sur le secteur dans le cadre de la guerre de mines dans le département de l’Oise. Au-delà de cette profondeur, aucune galerie allemande ne semble cheminer. La structure de la pierre du sous-sol change d’ailleurs aux alentours de - 20 à - 22 mètres, passant d’une roche « calcaire compacte » à du « sable cuisien » toujours bien compacté et également porteur.
Sur les cinq galeries allemandes faisant face au réseau Francais PV-PVa, la galerie allemande SCHACHT Stollen est donc celle qui va atteindre la plus grande profondeur.
Pour rappel : Grenadiere Stollen se trouve à - 8,20 mètres, SCHACHT Stollen atteint - 24,50 mètres, HINDENBURG Stollen - 23 mètres, KÜRT Stollen - 17,2 mètres et G13 - 16,50 mètres.
L’entrée de SCHACHT Stollen se trouve de nos jours en grande partie détruite. On y accède par une petite cavité pas plus grande qu’un terrier de renard et profond de 1,20 mètre ; on débouche ensuite dans la galerie principale, notée sur notre topographie « ORT ». Elle retrouve au bout de quelques mètres son aspect d’origine ainsi que ses dimensions initiales à savoir : 1,30 mètre de hauteur sur 0,90 de large.

Après un très léger changement de direction, « ORT » poursuit son cheminement rectiligne sur 25 mètres. Cette partie est parfaitement taillée dans la roche calcaire porteuse du secteur et ne nécessite aucun étayage. Les parois de gauche, de droite ainsi que le plafond sont travaillés à la pioche ; cela peut être le signe que cette première partie de galerie ne fut pas réalisée dans l’urgence.
Des vestiges de boisage sur lesquels des isolateurs en porcelaine ont été vissés sont encore présents dans ces premiers mètres de cheminement ; ils ne servaient que de « supports » pour les différents câbles, communication et électricité, et pour soutenir la gaine de ventilation, aujourd’hui totalement disparus.
Douze traces rupestres sont présentes dans ce cheminement. Certaines dites « techniques » sont en lien avec la construction de la galerie ; elles indiquent toutes la distance parcourue depuis son entrée.

Nous relevons par ailleurs deux traces de gravures de bustes masculins ou féminins, assez rudimentaires, ainsi qu’une trace réalisée au fusain, malheureusement fort dégradée, représentant deux soldats allemands dans une tranchée, le texte accompagnant cette trace rupestre étant totalement illisible.
Suite à ces 25 mètres parcourus, un carrefour « en croix » est établi sur un pallier. Nous nous trouvons alors à 9,10 mètres de profondeur. La pente depuis l’entrée de la galerie SCHACHT Stollen est donc de 36%, ce qui est, pour les Allemands, une pente relativement douce. Cette faible inclinaison démontre que les pionniers ne cherchent pas, à ce stade de la construction, à atteindre rapidement une profondeur importante.
En cheminant à cette faible profondeur, ils se placent au-dessus de toutes les galeries de mines françaises du secteur ce qui, dans le cadre d’une guerre de mines, place les Allemands dans une situation extrêmement dangereuse.
Tous ces éléments topographiques indiquent que, depuis la surface jusqu’à cette intersection, les pionniers n’établissent pas leur galerie en fonction d’un danger souterrain français en approche ; tout démontre en effet que cette première partie de galerie est établie sans danger détecté. Il s’agit probablement d’une galerie de mine dite « de garde » destinée à couvrir de façon parallèle les lignes de tranchées situées en surface ; le report du tracé de cette galerie avec la situation en surface, confirme cette hypothèse.

Au carrefour en croix
· A gauche, s’ouvre la galerie « LINKS » qui chemine en très légère pente sur à peine 6 mètres ; à son extrémité, la profondeur atteinte est de 10,52 mètres. Deux emplacements pour masques de bourrage, appelés VERRIEGELUNG en allemand, sont taillés directement dans les parois de droite et de gauche. Ces systèmes de verrouillage étant préparés, la finalité de cette petite galerie est sans appel : « LINKS » aurait dû comporter à son extrémité une chambre d’explosion.
Cependant, aucun retour en « équerre » typique des chambres d’explosions allemandes n’est élaboré ; le projet initial a dû être stoppé.
Si l’on prend les standards allemands d’espacements entre les séries de masques de bourrages qui sont de 2,50 mètres et sont généralement au nombre de 4 dans les galeries de mines de ce secteur, nous pouvons supposer que la galerie « LINKS » devait initialement poursuivre son cheminement sur encore 4 à 5 mètres avant que ne soit établie une chambre d’explosion.
Une explosion de mine à cette « faible » profondeur, et à une telle distance des lignes et ouvrages français, démontre bien qu’elle est élaborée à titre préventif et sans objectif précis. Toutefois, cet arrêt brutal peut vraisemblablement être mis en relation avec le retrait stratégique français de février 1915 ; à cette date, en effet, la première ligne française en surface se trouve désormais à 70 mètres de cet endroit précis, ligne bien trop éloignée d’un éventuel danger souterrain français.

· A droite, ne s’ouvre pas une galerie mais plutôt un espace creusé dans la paroi pour stocker du matériel ou des équipements de sauvetage.
· Au centre, dans la continuité du cheminement effectué depuis la surface, se poursuit la galerie « ORT ».
Avant de poursuivre notre analyse de « Schacht Stollen » avec la descenderie de la galerie « ORT », examinons à cette intersection quelques une des 19 traces rupestres présentes, certaines de ces traces permettant d’affiner la datation de cette galerie.
L’année « 1915 » est découverte gravée sur une paroi surplombant des initiales d’un soldat. Le monogramme de l’IR94 ainsi que des traces régimentées de cette unité sont également inventoriés ainsi qu’une trace du régiment IR95, régiment voisin de l’IR94 de quelques dizaines de mètres.
Une trace rupestre et nominative de l’IR96, régiment occupant un village voisin à environ 2 kms, est également découverte sur ce palier. Toutefois, s’agissant dans ce cas précis d’une « trace commémorative » pour un soldat tombé au front, nous supposons qu’il s’agit d’une marque laissée en mémoire d’un camarade.
Compte tenu du nombre de traces du régiment IR94 dans cet ouvrage, nous supposons que l’entrée de cette galerie se trouve bien sur le secteur qui lui est attribué. Le tracé de la galerie va ensuite s’établir devant les positions du régiment voisin, celui de l’IR95. Ceci pourrait expliquer le fait que nous retrouvons deux traces de ce régiment voisin dans cet ouvrage. Peut-être sont-ils venus prêter main-forte pour des travaux ?
Bien que des éléments rupestres confirment que les hommes de l’IR94 ont bien occupé la galerie SCHACHT Stollen entre octobre 1915 et mai 1916, rien ne permet cependant d’affirmer que ces hommes sont bien à l’origine de cette galerie ; en effet, le régiment qui précède l’IR94, le GR89, a très bien pu être à l’initiative de cet ouvrage souterrain sans pour autant laisser trace de son passage…
Poursuivons dans la galerie « ORT » : après 4 mètres d’avance, l’équipe ASAPE se retrouve devant un puits profond de 3,66 mètres et large de 1,30 mètre ; il est creusé en plein cheminement de la galerie. Il est impossible de le franchir en l’état sans l’aide d’une passerelle que nous allons devoir installer pour assurer la sécurité de notre équipe et découvrir le reste du cheminement de « ORT ».

Un puits dans une galerie ! C’est, jusqu’à ce jour, l’unique exemple sur le secteur de l’Oise dans le cadre de la guerre de mines ; c’est pour notre équipe, et de loin, la plus grande surprise de cette galerie. Nous reviendrons donc sur l’analyse de ce puits dans un second temps.
Une fois le puits passé en toute sécurité, la galerie poursuit sa descente sur 6 mètres, une nouvelle fois par des marches donnant accès à un pallier clairement visible. Notons qu’au-delà de cet emplacement SCHACHT Stollen présente un fort changement de direction sur la droite ainsi qu’une augmentation significative de sa pente descendante.
Ce palier, situé à 13,10 mètres de profondeur, devait donc être la fin de la galerie « ORT » durant les premiers mois d’activités.
L’analyse terrain, ainsi que la topographie, démontrent que la modification importante de trajectoire est le fruit d’un nouveau travail, mis en chantier ultérieurement ; en effet, les parois ne sont plus travaillées à partir de cet endroit et restent brutes, non taillées à la pioche comme cela est le cas dans le cheminement précédent.

SCHACHT Stollen va donc être creusée à partir de ce palier jusqu’à la profondeur de 24,10 mètres, sur une longueur de 29,49 mètres. Cette avance présente tout du long une courbe vers la droite ; les derniers mètres sont « en plan », ce qui indique que les Allemands ont atteint l’objectif de profondeur qu’ils s’étaient fixé : soit environ 25 mètres.
Ce travail rapide, réalisé à l’aide de « pétartage » dans le front de taille, la profondeur atteinte rapidement et enfin la courbe vers la droite, montrent sans ambiguïté que les Allemands adaptent leur cheminement, cette fois-ci, vers un danger détecté.
Comme leur enseigne leur manuel de « conduite à tenir dans le cadre d’une guerre de mines », ils cherchent ici, à n’en pas douter, à devancer un travail français en cours. La galerie SCHACHT Stollen établissant son tracé par rapport aux bruits souterrains provenant des travaux français détectés, « l’ennemi » devait se trouver en ligne droite devant le front de taille de cette galerie allemande.
Notre modèle numérique de terrain comprenant les galeries françaises et allemandes du secteur va nous permettre, par projection du cheminement de la galerie SCHACHT Stollen de comprendre l’objectif allemand :
Il s’agit du rameau de droite de la galerie française provenant du puits V, le tracé de la galerie allemande s’adaptant à l’avance française de ce rameau.

Nous savons que ce rameau français est en construction entre le 28 mars 1915 et le 16 août 1915. Les écouteurs français semblent d’ailleurs avoir détecté différents travaux allemands, dont plusieurs dans le secteur de la galerie SCHACHT Stollen : « Des bruits lointains sont signalés. On projette de rester dans la défensive et de se garder par des écoutes minutieuses. » (Compagnie du Génie en charge de la construction du PUITS V, le 28 août 1915)
La projection de la galerie allemande jusqu’à son objectif français, place ce vecteur à l’endroit même où le rameau de gauche du PUITS V est arrêté à l’été 1915.
La distance souterraine séparant ces deux chantiers est, à cette date, tout de même de 54 mètres.
Ainsi, nous pouvons dater la deuxième phase de construction de la galerie « ORT » de SCHACHT Stollen au cours d’une période comprise entre début avril 1915 et fin août 1915 ;elle ne peut être réalisée que par le bataillon de pionniers N°9 épaulé par les hommes du Grenadier Régiment GR89 qui occupe alors le secteur.

Le travail est alors stoppé dans cette galerie allemande simultanément aux travaux français. Le front de taille de « ORT » présente d’ailleurs quatre trous de forage pour y insérer les bâtons d’explosifs pour le pétardage de l’avance ; un de ces trous est encore chargé d’explosif, indiquant un arrêt brutal de l’avance.
Fin 1915 - début 1916, les Français vont reprendre le travail dans leur rameau, celui-là même détecté quelques mois plus tôt par les Allemands. Cependant, ces derniers constatent à l’aide d’écoutes souterraines que les Français ne sont plus menaçants ; en effet, la direction du travail français a changé : ils ne cheminent plus vers eux, mais se dirigent sur leur flanc à une distance minimum de 42 mètres.
La conclusion, pour les Allemands, est que l’ennemi français établit une galerie enveloppe (aussi appelée transversale). Ils ont raison : les Français sont en réalité en train de construire le long de leur première ligne une galerie transversale entre leurs PUITS V et Va.
La décision est donc prise de ne pas reprendre les travaux dans SCHACHT Stollen vers ces travaux français ; en effet, ces derniers sont d’ordre « défensifs » et ne présentent aucun danger pour les ouvrages souterrains allemands.
Qu’en est-il donc du puits présent dans la galerie SCHACHT Stollen et de son intérêt stratégique ?
C’est notre topographie complète et la réalisation d’un modèle numérique de terrain comprenant les données du drone LIDAR et les relevés souterrains LIDAR du réseau français PV-PVa et de la galerie SCHACHT Stollen qui permettront de résoudre l’énigme du puits de cette galerie.
Sur l’intérêt d’établir un puits dans une galerie de mine :
Bien que non pratiquée dans l’Oise par les Allemands, l’utilisation de puits pour gagner rapidement la profondeur est monnaie courante sur d’autres parties du front dans un contexte de guerre de mines.
Citons l’exemple du site de GRANATHOFF STELLUNG (Ilot de La Boisselle) dans la Somme (80) où l’organisation souterraine allemande présente des entrées de systèmes de mines en galeries et ensuite des puits descendants pour gagner plus rapidement la profondeur ; ainsi, les Allemands peuvent passer directement de leur système d’attaque intermédiaire vers un système profond.

Dans tous les exemples de puits explorés par l’ASAPE 14-18 en dehors de l’Oise, aucun d’entre eux n’est percé dans le cheminement même d’une galerie principale ; ils sont toujours situés dans une pièce adjacente.
Toutefois, ces sites – à la différence du secteur ici étudié dans l’Oise – présentent une faible distance entre les lignes des belligérants. Il faut donc gagner rapidement la profondeur ; les puits sont donc la solution la plus efficace et surtout la plus rapide à mettre en œuvre.
Les Allemands font le choix dans le département de l’Oise d’établir des galeries de mines en pente plus ou moins accentuée ; certaines d’entre elles peuvent présenter une inclinaison de 45% afin d’atteindre 25 mètres de profondeur. C’est d’ailleurs le cas de la galerie SCHACHT Stollen qui va atteindre à son extrémité la profondeur de 24,59 mètres.
A savoir : avec une pente continue de 45%, une galerie se retrouve à - 25 mètres en « seulement » 55 mètres de cheminement …
Sur notre secteur, ce sont des puits qui vont être creusés par les Français pour gagner rapidement la profondeur voulue, ceci afin de rattraper leur retard sur les Allemands.
Établir un puits dans le cadre de la guerre de mines semble donc lié à deux facteurs : la distance séparant les belligérants mais également la rapidité à gagner une profondeur afin de contrer un danger.
L’utilisation de puits peut être indispensable, comme cela était d’usage dans la guerre de mines en Belgique, afin de pouvoir traverser des couches perméables. Mais ce n’est pas le cas dans le département de l’Oise, la nappe phréatique n’ayant jamais présenté de difficultés, que ce soit pour les Allemands comme pour les Français ; c’est la raison pour laquelle nous ne retrouvons aucune pompe de relevage dans ces systèmes souterrains.
Le puits présent dans la galerie SCHACHT Stollen traduit donc la volonté des pionniers allemands de gagner rapidement en profondeur afin de contrer un danger. Son creusement en plein cheminement d’une galerie reste toutefois énigmatique ; nous pouvons supposer qu’il s’agit d’un certain empressement de la part des Allemands qui semblent prêts à condamner le reste du cheminement de la galerie principale « ORT » pour creuser ce puits !
Comme nous l’avons vu précédemment, le travail dans la galerie « ORT » à presque - 25 mètres de profondeur est abandonné déjà depuis plusieurs mois, depuis que les Allemands ont découvert que les Français élaboraient une galerie « transversale » et non pas « d’attaque ».

L’absence de danger au fond de la galerie « ORT » a certainement pu jouer en faveur de la condamnation de son accès, avec ce puits en plein dans son cheminement.
Une nouvelle fois, notre modèle numérique de terrain, ainsi que les archives françaises beaucoup moins lacunaires que celles des Allemands, vont nous permettre d’expliquer ce puits.
Aucune galerie ne prenant naissance au fond de ce puits, il est impossible par ailleurs de projeter un quelconque cheminement afin de déterminer la direction du nouveau danger détecté par les Allemands ; il faut donc analyser les ouvrages souterrains français se trouvant dans l’environnement de SCHACHT Stollen afin de déterminer la crainte allemande depuis cette galerie.
La plus proche menace est sans nul doute la galerie française Va, découverte simultanément (car reliée par une galerie transversale) avec le puits PV par l’ASAPE 14-18.
Si l’on dessine jusqu’aux lignes allemandes une projection de la galerie française Va, elle coupe le cheminement de la galerie « ORT » de SCHACHT Stollen exactement à l’emplacement du puits !

Ouverte le 05 janvier 1916, la galerie principale Va prend effectivement la direction de SCHACHT Stollen jusqu’à son intersection en « V ».
Voici donc le danger détecté par les Allemands, vraisemblablement au premier trimestre 1916 : la galerie principale Va !
Etant donné le nombre conséquent de postes d’écoutes souterrains alors mis en place par les Allemands sur ce secteur précis, il n’y a aucun doute qu’avant même la fin du mois de janvier 1916, l’officier pionnier en charge de SCHACHT Stollen a connaissance, au minimum, de l’emplacement et de la direction prise par la nouvelle galerie française Va.
Une seule incertitude pour les Allemands demeure : la profondeur à laquelle vont s’établir les Français pour mener une éventuelle attaque contre le flanc de SCHACHT Stollen .
En ce début d’année 1916, deux chantiers sont détectables depuis la galerie SCHACHT Stollen : d’un côté, l’avance de la galerie transversale au départ du puits V vers le puits Va, de l’autre sur le flanc gauche, ce nouveau chantier de la galerie Va qui semble beaucoup plus menaçant…
En ce qui concerne le premier chantier, celui qui chemine à - 12 / - 13 mètres, les Allemands ont conclu qu’il ne présentait pas de menace. Les intentions des Français sont en effet identifiées : ils élaborent une galerie « transversale » qui ne prend pas comme visée les Allemands ; ils décident donc de la surveiller, tout en restant sur leurs gardes.
Le deuxième chantier, provenant de la nouvelle galerie Va, est quant à lui beaucoup plus préoccupant : les différentes écoutes allemandes déterminent avec précision que l’axe de cette nouvelle galerie vise le flanc de la galerie SCHACHT Stollen . Cette nouvelle menace est encore distante de 72 mètres, mais les Allemands extrapolent les ambitions souterraines françaises…

Les Français vont-ils à la rencontre directe de la galerie SCHACHT Stollen par le flanc ? Ou, pire encore, vont-ils tenter de s’infiltrer profondément afin de passer sous leur galerie ?
La galerie SCHACHT Stollen n’est qu’à 11,30 mètres de profondeur à cet endroit, face aux Français. Les Allemands prennent en compte la profondeur atteinte par le travail français voisin (le chantier en cours de la galerie transversale), soit - 12 / - 13 mètres.
La galerie SCHACHT Stollen n’est pas assez profonde à l’endroit visé par la galerie Va !
L’unique solution qui s’offre alors aux Allemands est de creuser un puits pour reprendre l’avantage. Ainsi, au cas où les Français poursuivraient leur avance dans la galerie Va, ils pourront établir une galerie de contre-mine depuis le fond du puits afin de neutraliser l’attaque française.
Les pionniers entament donc la construction d’un puits de 3,66 mètres dans la galerie allemande à l’endroit même où la galerie Va devrait l’atteindre ; ainsi, ils passent d’une profondeur de 11,30 mètres à près de 15 mètres au fond du puits.
Ce puits n’aura pourtant jamais d’utilité et aucun départ de galerie ne prendra naissance dans le fond du puits puisque les Français n’ont en réalité aucune intention d’attaquer la galerie SCHACHT Stollen .
Par ailleurs, nous pouvons attribuer et dater la construction du puits dans la galerie allemandes aux hommes de l’IR94 supervisés par les pionniers du bataillon N°11 au cours d’une période comprise entre fin janvier 1916 et fin mars 1916, sachant que ces 3,66 mètres de puits n’ont dû prendre que quelques jours pour être atteints.
Le 23 mars 1916, la galerie Va va arrêter sa progression vers l’avant au bout de seulement 16 mètres. Comme déjà dit, il n’était pas du tout question d’attaquer la galerie allemande SCHACHT Stollen : elle devait suppléer une autre galerie voisine, afin de réaliser des écoutes souterraines.

En avril 1916, depuis cette nouvelle galerie Va, les Français partiront sur la gauche afin de rejoindre les travaux en cours de la transversale provenant du puits V. La jonction de ces deux chantiers sera réalisée entre le 25 et le 26 juin 1916 à 12 mètres de profondeur.
Plus aucun bruit de travaux allemands n’est d’ailleurs signalé par les écouteurs français dans la région de SCHACHT Stollen à partir de la fin mai 1916. Les Allemands ont également considéré que les Français effectuaient, là aussi, une galerie transversale depuis cette nouvelle galerie.
Il n’y a donc plus lieu d’ouvrir une galerie au fond du puits de SCHACHT Stollen en direction de la galerie Va, comme il est inutile de poursuivre l’avance de la galerie « ORT » aux environs de - 25 mètres en direction du rameau de droite du puits V.
Les deux galeries françaises V et Va sont désormais reliées entre elles par une longue galerie transversale de 60 mètres de cheminement et aucun travail n’est entrepris depuis cette structure en direction de SCHACHT Stollen
Côté allemand, les écoutes ne révèlent pas non plus de nouveaux chantiers dans leur direction.
C’est une phase défensive qui s’installe donc de l’été 1916 jusqu’au 17 mars 1917, date du retrait des forces allemandes du secteur vers la ligne Hindenburg.
L’EQUIPE ASAPE 14-18
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