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Photo du rédacteurStaff ASAPE

Le tragique destin de la 10.kompanie du FR86 au matin de la Bataille de Quennevières

Récemment, l’ASAPE 14-18 a rencontré une famille danoise sur la commune de Moulin- Sous-Touvent, (France, Oise) à la recherche des lieux de combats de la Bataille de Quennevières (Juin 1915).


La recherche de cette famille danoise porte sur leur ancêtre, le Musketier 𝗖𝗵𝗿𝗶𝘀𝘁𝗶𝗮𝗻 𝗞𝗮𝗿𝗹 𝗡𝗔𝗣𝗢𝗟𝗘𝗢𝗡 appartenant à la 10 -ème Compagnie du troisième Bataillon du FR86. Ce soldat - comme beaucoup de ses camarades - a été mobilisé dans la région de Schleswig-Holstein, une région initialement danoise mais sous administration allemande depuis la Convention de Gastein de 1886.

Lors de la mobilisation, ils sont - pour la majorité - incorporés au sein de deux régiments : le 𝐹𝑢̈𝑠𝑖𝑙𝑖𝑒𝑟-𝑅𝑒𝑔𝑖𝑚𝑒𝑛𝑡 𝐾𝑜̈𝑛𝑖𝑔𝑖𝑛“ (𝑆𝑐h𝑙𝑒𝑠𝑤𝑖𝑔-𝐻𝑜𝑙𝑠𝑡𝑒𝑖𝑛𝑖𝑠𝑐h𝑒𝑠) 𝑁𝑟. 86 et l’𝐼𝑛𝑓𝑎𝑛𝑡𝑒𝑟𝑖𝑒-𝑅𝑒𝑔𝑖𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑣𝑜𝑛 𝑀𝑎𝑛𝑠𝑡𝑒𝑖𝑛 (𝑆𝑐h𝑙𝑒𝑠𝑤𝑖𝑔𝑠𝑐h𝑒𝑠) 𝑁𝑟. 84

Les historiens se l’accordent, l’attaque française dirigée par le Général NIVELLE en personne, a comme objectif de percer les lignes allemandes de la Ferme de Quennevières, jusqu’au ravin de Moulin-Sous-Touvent. Bien que le front d’attaque s’étire sur environ 1200m, c’est le secteur tenu par le troisième Bataillon du FR86 - celui de 𝗖𝗵𝗿𝗶𝘀𝘁𝗶𝗮𝗻 𝗞𝗮𝗿𝗹 𝗡𝗔𝗣𝗢𝗟𝗘𝗢𝗡 - qui cristallisera, dans un premier temps, l’artillerie - puis, l’infanterie française.

C’est un enchaînement de circonstances malencontreuses qui - à l’aube du 06 Juin 1915 - aura pour conséquence la disparition quasi-complète du troisième Bataillon du FR86 (𝘦𝘯𝘷𝘪𝘳𝘰𝘯 1100 𝘩𝘰𝘮𝘮𝘦𝘴) dont la 10. Kompanie (𝘦𝘯𝘷𝘪𝘳𝘰𝘯 250 𝘩𝘰𝘮𝘮𝘦𝘴)


𝗖𝗵𝗿𝗶𝘀𝘁𝗶𝗮𝗻 𝗞𝗮𝗿𝗹 𝗡𝗔𝗣𝗢𝗟𝗘𝗢𝗡, disparaîtra ce matin du 06 Juin 1915 tout comme un grand nombre de ses camarades. Ce seul régiment du FR86 dénombrera 223 morts, 569 blessés et 842 disparus au cours de cette bataille. Cette unité est donc amputée de la quasi-moitié de son effectif. Le corps du soldat 𝗡𝗔𝗣𝗢𝗟𝗘𝗢𝗡 ne sera jamais retrouvé et repose vraisemblablement toujours sous cette plaine de l’Oise, rendue aux cultures assez tardivement du fait du nombre important de munitions au sol. (Zone rouge)


L’enquête historique ici présentée n’est pas sans rappeler celle déjà menée par l’ASAPE 14-18 à la demande d’une famille danoise au sujet du soldat 𝗝𝗼𝗵𝗮𝗻𝗻𝗲𝘀 𝗣𝗲𝘁𝗲𝗿 𝗚𝗲𝗼𝗿𝗴 𝗥𝗢𝗦𝗦𝗠𝗔𝗡𝗡 de la 12.Kompanie du FR86. Ce dernier était venu en renfort et sera tué le 12 Juin 1915 lors de la reconquête des tranchées allemandes perdues. Tout comme le soldat 𝗡𝗔𝗣𝗢𝗟𝗘𝗢𝗡, le corps du soldat ROSSMANN repose lui aussi quelque part sous cette plaine.


Le tragique destin de la 10.Kompanie et avec lui celui du soldat 𝗖𝗵𝗿𝗶𝘀𝘁𝗶𝗮𝗻 𝗞𝗮𝗿𝗹 𝗡𝗔𝗣𝗢𝗟𝗘𝗢𝗡débutent avant même l’assaut français, dans la nuit du 05 au 06 juin 1915.

Il est alors en réserve avec sa compagnie dans leur cantonnement sur les pentes du ravin de Moulin-Sous-Touvent dans un secteur dénommé « 𝗦𝗔𝗖𝗛𝗘𝗡 𝗛𝗔𝗡𝗚 »

Cette Compagnie a pour mission d’assurer la relève de leurs camarades de la 11ème Compagnie - alors en première ligne depuis plus de 10 jours sur les flancs d’un saillant très dangereux : « 𝗦𝗢𝗟𝗧𝗔𝗨 𝗘𝗖𝗞, » qui fait face aux ruines de la ferme de Quennevières.

Depuis plusieurs jours, les hommes en position en première ligne demandent à être relevés. Ils sont éprouvés par un pilonnage intensif d’artillerie. Il s’agit ici des prémices de l’attaque française, avec des tirs réguliers dit de « harcèlement » afin de maintenir les Allemands sous pression. Le saillant 𝗦𝗢𝗟𝗧𝗔𝗨 𝗘𝗖𝗞, est également le théâtre d’une guerre de mines entre les Sapeurs français et les Pionniers allemands. C’est, de toute évidence, le secteur le plus difficile à tenir pour les Allemands sur le secteur de Moulin- Sous- Touvent. La mort peut alors survenir du dessus (Aviation, tirs de mortiers, assauts d’infanterie, …) mais également du dessous avec l’explosion d’une mine souterraine, aussi soudaine et très souvent inévitable.



L’information qu’une attaque française est imminente sur le secteur retarde encore la montée en première ligne de la 10. Kompanie pour relever leurs camarades exténués. Les Allemands reçoivent même la confirmation par un prisonnier que l’attaque française est bien prévue pour le lendemain : Le 06 Juin 1915. .

Ce renseignement est d’ailleurs confirmée par des constatations terrains. Les Français ont retiré certaines portions de leurs barbelés – signe que l’infanterie va s’élancer dans les prochaines heures -


𝗖𝗵𝗿𝗶𝘀𝘁𝗶𝗮𝗻 𝗞𝗮𝗿𝗹 𝗡𝗔𝗣𝗢𝗟𝗘𝗢𝗡, doit donc encore patienter, sûrement dans les tranchées situées entre la troisième et la deuxième ligne. Il est alors 22h, le brouillard tombe sur la plaine de Quennevières et l’ordre de stopper la relève tombe !

Décision rarissime et lourde de conséquences pour la suite des évènements : le Commandant de la 10.Kompanie ,le lieutenant VON BISMARCK, profite d’une pause dans les tirs d’artillerie française pour braver l’interdiction de relève.

Ainsi, au petit matin du 06 Juin 1915, il donne l’ordre à ses 250 hommes que compte sa compagnie de rejoindre la première ligne pour effectuer la relève la 11.Kompanie .

Alors qu’ils commencent à investir la première ligne au sud du saillant 𝗦𝗢𝗟𝗧𝗔𝗨 𝗘𝗖𝗞, les Sapeurs français déclenchent à 04h55 une mine sous ce saillant. Cette mine, préparée depuis plusieurs semaines se compose d’une quinzaine de caisses de 25kgs d’explosifs de type cheddite. (400kgs au total). La profondeur de la galerie de mine est de 6m – d’après les rapports -. Elle est tout vraisemblablement creusée dans la terre. Le service du Génie a pris soin de pas ouvrir les emballages des explosifs afin que l’humidité ambiante ne détériore pas la qualité des explosifs en attendant le moment de l’attaque.




Effondrement de surface au niveau de la plaine de Quennevières donnant accés a une galerie de mines creusée dans le Limon. (Sources : Cyril CIESLAK - Septembre 2018)


 𝗟’𝗲𝘅𝗽𝗹𝗼𝘀𝗶𝗼𝗻 𝗳𝗿𝗮𝗻𝗰̧𝗮𝗶𝘀𝗲 𝗺𝗮𝗿𝗾𝘂𝗲 𝗹𝗲 𝗱𝗲́𝗯𝘂𝘁 𝗱𝗲 𝗹𝗮 « 𝗕𝗮𝘁𝗮𝗶𝗹𝗹𝗲 𝗱𝗲 𝗤𝘂𝗲𝗻𝗻𝗲𝘃𝗶𝗲̀𝗿𝗲𝘀 ».


Côté Français, il leur fallait impérativement neutraliser ce saillant afin d’éviter d’être pris par des tirs de flanc lors de l’assaut d’infanterie. Immédiatement après l’explosion de mines, l’artillerie française se met en action et bombarde – avec une précision redoutable - le réseau de tranchées allemand. 50.000 obus de tous calibres vont s’abattre sur les Allemands !

𝗖𝗵𝗿𝗶𝘀𝘁𝗶𝗮𝗻 𝗞𝗮𝗿𝗹 𝗡𝗔𝗣𝗢𝗟𝗘𝗢𝗡, et sa compagnie sont, à ce moment-là, en train de prendre la relève de leurs camarades. La tranchée de première ligne est donc bondée d’hommes qui arrivent et d’autres qui partent…

Les boyaux de communication sont également surchargés d’hommes et de matériel en prévision de l’attaque française qui est annoncée. Ils sont alors, dans la première ligne entre la tranchée « 𝑭𝑳𝑬𝑵𝑺𝑩𝑼𝑹𝑮𝑬𝑹 𝑾𝑬𝑮 » et le Sud du saillant « 𝗦𝗢𝗟𝗧𝗔𝗨 𝗘𝗖𝗞 ». C’est-à-dire, au centre de l’attaque française à venir.



Bien que les Allemands occupent ces tranchées depuis la fin septembre 1914, beaucoup d’abris souterrains sont creusés dans le limon et ne sont pas à l’épreuve des tirs d’artillerie… (Inférieur à 3m de profondeur) Beaucoup d’entre eux dans lesquels les hommes vont tenter de se réfugier s’écroulent sous les feux nourris d’artillerie de tout calibre. Et tant bien que même… Les tranchées sont surchargées en nombre de soldats. Il n’y a pas de place pour tout le monde dans ces abris.

Les hommes relevés ne peuvent pas rejoindre l’arrière- front et la relève est gênée dans son positionnement.


Rappelons que le commandant de la 10.Kompanie se retrouve avec ses 250 hommes en première ligne après avoir désobéi à un ordre formel...

Le massacre va durer de 06h à 10h - heure à laquelle l’infanterie française va surgir des tranchées afin de prendre d’assaut les lignes allemandes.

Plusieurs compagnies du troisième Bataillon sont déjà anéanties durant ce laps de temps, sans même avoir tiré un seul coup de feu.

L’artillerie va causer le plus grand nombre de pertes. L’infanterie qui s’élancera ensuite achèvera les survivants dans ce qui reste de tranchées et d’abris. Pas étonnant que les forces françaises atteignent la troisième ligne allemande en même pas 1 heure de bataille…

Un témoignage indique qu’après cette première journée, le troisième Bataillon du FR86- qui comptait auparavant près de 1.100 hommes n’a plus à son actif qu’une demi- compagnie… Soit environ 150 hommes.


Le commandant de la 10. Kompanie, le Lieutenant Von Bismarck qui a amené ses hommes- sans ordre- en première ligne, n’échappe pas à la boucherie. Il sera – dans un premier temps - grièvement blessé par l’éclat d’un obus ; puis achevé par les « nettoyeurs » français au cours de l’assaut - comme le relatent des témoignages allemands.

C’est très probablement également le sort réservé à 𝗖𝗵𝗿𝗶𝘀𝘁𝗶𝗮𝗻 𝗞𝗮𝗿𝗹 𝗡𝗔𝗣𝗢𝗟𝗘𝗢𝗡, Si, par miracle, il aurait survécu au pilonnage français entre 06h et 10h- l’infanterie ou les « nettoyeurs » de tranchées n’ont ensuite pas fait de quartier lorsqu’ils ont investi les lignes allemandes où se trouvait le soldat NAPOLEON.

Les premières positions allemandes d’avant cette bataille se sont retrouvées dans le no man’s land jusqu’au retrait des forces impériales en Mars 1917. Le corps du soldat NAPOLEON a dû être -soit « pulvérisé » par les obus lors de la Bataille de Quennevieres, soit enfoui dans un abri.

A la fin de cette bataille qui coûta la vie à environ 10.000 Français et 5.000 Allemands (chiffres non vérifiables), les gains de terrain côté français sont infimes et stratégiquement … nuls.


Seule, la neutralisation du saillant allemand « 𝗦𝗢𝗟𝗧𝗔𝗨 𝗘𝗖𝗞 » par une mine souterraine française de 400kgs, en début de bataille, offre aux Français un meilleur positionnement sur la plaine de Quennevières et permet aussi de réduire le danger des galeries souterraines allemandes.

Néanmoins, la réorganisation des lignes allemandes, dès le milieu de l’été 1915, forme un nouveau saillant : « 𝗦𝗔𝗖𝗛𝗘𝗡 𝗘𝗖𝗞 », tout aussi dangereux que son prédécesseur disparu.

De ce point avancé, les travaux de mines allemands vont reprendre activement jusqu’à la jusqu’à mi -1916.

Les Allemands, qui - après chaque action de terrain - ont pour habitude d’établir des rapports autocritiques, vont souligner après cette bataille, la vulnérabilité de leurs réseaux de tranchées et le risque qu’encourent les hommes lors des relèves. Ils tirent ainsi les leçons de la tragédie qu’a subi le troisième Bataillon du FR86, lors de la relève du matin du 06 Juin 1915. Après-guerre, certains essayeront de porter la responsabilité de cette hécatombe sur les épaules des soldats d’origine danoise…


𝗖𝗵𝗿𝗶𝘀𝘁𝗶𝗮𝗻 𝗞𝗮𝗿𝗹 𝗡𝗔𝗣𝗢𝗟𝗘𝗢𝗡, et tous ses compagnons danois du FR86 seraient donc des « traitres » tout en ayant pris position en première ligne alors même que la bataille s’annonçait clairement…

L’argument nous paraît donc peu crédible au vu des pertes danoises, ce 06 Juin 1915.

Pour éviter une nouvelle boucherie et afin d’épargner les hommes des tirs d’artillerie français, la réponse allemande est quasi immédiate : Ils prennent la décision d’entamer la construction de plusieurs tunnels majeurs qui - à terme - relieront leurs zones de cantonnement à la seconde ligne dans la plaine de Quennevières.

Débutés dès l’été 1915, certains feront l’objet d’agrandissements réguliers avec l’adjonction de pièces et sorties en surface jusqu’au début 1917.

Les tunnels seront enfouis à plus de 15m sous terre, les rendant indestructibles, même pour le plus gros projectile français. lls mesureront en moyenne 2m de hauteur pour quasiment 1.80m de large permettant aussi aux troupes d’aller et venir avec ou sans matériel de leur cantonnement vers le front.


Chacun des trois bataillons, appuyés par des troupes de Pionniers expérimentés, aura en charge la construction d’un tunnel pour faciliter le mouvement de leur bataillon – de la zone de réserve vers la seconde ligne.

→ Le bataillon qui occupe le Nord de la plaine poursuivra le « 𝗛𝗮𝗻𝘀𝗲𝗻 𝗧𝘂𝗻𝗻𝗲𝗹 ». (Long d’environ 300m) qui est au moment de la Bataille l’unique tunnel en construction.

→ Un autre bataillon, celui qui occupe le centre de la plaine débute le « 𝗥𝗵𝗲𝗶𝗻𝗹𝗮𝗻𝗱 𝗧𝘂𝗻𝗻𝗲𝗹 » (long d’environ 450m)

→ Enfin le dernier bataillon qui occupe la pointe Sud de cette plaine construira l’ouvrage le plus imposant : le « 𝗞𝗿𝗼𝗽𝗳𝗳 𝗧𝘂𝗻𝗻𝗲𝗹 » (long d’environ 800m). Cette grande longueur s’explique par l’éloignement des lignes allemandes par rapport au point de départ (Le ravin de Moulin-sous-Touvent).

Ce dernier ouvrage devait – à terme- rejoindre un autre tunnel, le « 𝗞𝗜𝗘𝗟𝗘𝗥 𝗧𝘂𝗻𝗻𝗲𝗹 » cumulant ainsi 1.200 m de galeries.

Deux des trois postes de secours de bataillon (Truppenverbandsplatz) que compte ce ravin furent impossibles à atteindre par des centaines d’hommes blessés lors de la bataille de Quennevières. Ils vont dorénavant être installés dans de vastes espaces souterrains annexés directement à ces tunnels.

Ainsi, les hommes pourront les rejoindre - via des escaliers - depuis le champ de bataille et au besoin, l’évacuation des blessés les plus graves pourra se faire -via la troisième ligne- là où se trouve l’entrée principale de ces ouvrages souterrains.



Le front tenu par la 10. Kompanie, au matin du 06 Juin 1915, s’étendait sur environ 100m. Il est très difficile - à ce jour - de localiser avec précision où pourrait se trouver le corps du soldat NAPOLEON. D’autant plus que nous ne savons pas si tous les hommes de la 10.Kompanie étaient bien dans la première ligne au moment de l’attaque.




Nous pouvons, toutefois, délimiter virtuellement un périmètre de 100m de long sur 50 de large dans les cultures actuelles afin que la famille du soldat ou d’autres viennent se recueillir sur ce qui fut la première ligne allemande, au matin du 06 Juin 1915 - témoin d’une véritable boucherie du troisième Bataillon du FR86.


Tous nos remerciements à la famille de ce soldat qui a fourni à l’ASAPE 14-18 une très grande quantité de photos et de documents militaires inédits concernant la bataille de Quennevières.


L'EQUIPE ASAPE 14-18


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