top of page
Rechercher

La Boisselle : Granathof Stellung

C'est un lieu souterrain d’exception et chargé d'histoire dans lequel l'ASAPE 14-18 a eu l’occasion de descendre. Enfoui à une profondeur de 24 mètres sous le village d’Ovillers-la-Boisselle, chemine l’un des nombreux réseaux de galeries de mines britanniques, celui du site de l’îlot de la Boisselle (Granathof Stellung / GloryHole).


Haut-lieu de la guerre de mines du département de la Somme, avec notamment à proximité immédiate, l’entonnoir de mines britannique mondialement connu – celui du 01 juillet 1916 – le « Lochnagar Crater ». Le site n'est pourtant pas promu à sa juste valeur, et cela malgré le dévouement des bénévoles de l'Association « Les Amis de L’Ilot De La Boisselle » qui depuis 2013, sous la présidence de Mme Claudie Lejeune-Llewellin, entretiennent cet espace d’environ 3 hectares, en préservant – en surface – les cicatrices des entonnoirs de mines et – en souterrain – un accès en pente douce au niveau -9 mètres, vestiges de l’accès au réseau de galeries d’attaques situées plus profondément.


Alors que l'histoire de la Grande Guerre disparaît peu à peu des manuels scolaires, les tunnels – ici explorés par l'ASAPE 14-18 – ont tout de même été mis au jour dans la série à succès : « Peaky Blinders » produite par la chaîne anglaise BBC en 2013. Le héros de la série, Thomas Shelby, souffre d'un stress post-traumatique résultant de la guerre souterraine menée contre les pionniers allemands lors de son engagement en tant que tunnelier dans le 179ème Régiment de Tunneliers des Royal Engineers, dans le réseau souterrain de La Boisselle ; ce type de traumatisme porte le nom « d’hypnose des batailles ».


Une séquence de l’épisode 1 saison 1 évoque d'ailleurs la progression de Thomas Shelby dans l’une de ces galeries britanniques à proximité de l'ennemi allemand. Quelques minutes plus tard, après avoir distinctement entendu les bruits de pioches et des conversations allemandes, la paroi de la galerie britannique s’éventre, laissant surgir un pionnier allemand, armé d'un couteau, s’attaquant à Shelby et ses camarades tunneliers ; ces derniers répliquent à coups de revolver afin de neutraliser l'ennemi.

Au-delà de la fiction, ce genre de scène s'est réellement produit sur le site de la Boisselle, – notamment le 10 avril 1916 – lorsque des Britanniques ont rencontré, depuis leur ouvrage, une galerie allemande ; pas de coups de revolver mais le déclenchement d'une explosion qui tua tous les tunneliers britanniques présents dans cette galerie. Les corps de ces hommes (3 tunneliers britanniques et ceux des pionniers allemands) reposent toujours à -24 mètres sous terre sur le site.


Où s’arrête la fiction et où commence la réalité historique ?

La référence dans la série sur la présence d’un Thomas Shelby, membre du Gang des Peaky Blinders au sein du 179ème Régiment de Tunneliers des Royal Engineers, n’est malheureusement pas authentifiable.


La raison est simple : aucun « Thomas Shelby » n’a fait partie des « figures » de ce gang de Birmingham ; il s’agit d’une invention de la chaîne BBC. Cependant, la majorité des véritables membres du gang ayant entre 25 et 35 ans au moment du premier conflit mondial, il est possible que certains d’entre eux se soient bien enrôlés dans différents régiments britanniques pour venir combattre sur et sous les terres des Flandres et du nord de la France.


Toutefois, il est historiquement avéré que le régiment cité dans la série : The 179 Tunnelling Company Royal Engineers soit à l’origine des 4 galeries ayant explosé le matin du 01 juillet 1916 sur cette commune d’Ovillers-la-Boisselle, y compris la célèbre mine ayant causé le cratère de Lochnagar (La Grande Mine) ; c’est d’ailleurs sûrement la raison pour laquelle les producteurs de la BBC ont impliqué leur héros dans ce régiment de mineurs.


Le réseau de L’îlot de la Boisselle est extrêmement complexe et diffère des réseaux souterrains que l'ASAPE 14-18 étudie habituellement dans l'Oise. Bien que les niveaux de profondeur atteints ici dans la Somme soient sensiblement identiques à ceux de notre secteur, l’accès en « puits » ainsi que les cheminements entrepris par les Britanniques diffèrent des stratégies appliquées dans l’Oise.


Ce qui ne diffère pas, c'est l'initiative de cette guerre de mines !

Ici encore, les forces impériales prennent les devants en lançant la construction de galeries vers les lignes ennemies dès le début de la guerre de position.

Début novembre 1914, alors que le secteur est encore tenu par les Français, des bruits souterrains suspects sont entendus, laissant supposer que les Allemands cherchent à s'infiltrer sous terre vers leur première ligne. Fin novembre, le travail allemand se rapprochant très dangereusement, le 11ème Bataillon du 6ème Génie décide de creuser 4 puits de mines pour atteindre rapidement la profondeur des attaques allemandes ; ces « Grands puits » comme l'indiquent les manuels des Officiers du Génie ont pour dimensions 1 mètre 32 sur 1 mètre 32.

En décembre 1914, ils atteignent une profondeur de 6 mètres avant de partir en « rameaux de combat », d’après les récits d’époque.

En règle générale, ces puits débouchent sur des demi-galeries de 1 mètre 30 de haut pour ensuite se rétrécir en « grands rameaux » (1m x 0,80m) puis en « rameaux de combat » (0,70m x 0,60m) à l'approche des positions ennemies. Toutefois, la faible distance séparant les positions françaises et allemandes sur ce secteur a peut-être contraint le Génie français à attaquer directement en bas du puits via des rameaux de combats. Quoi qu'il en soit, dans la roche calcaire de la Somme, comme celle de l'Oise, les bruits issus des travaux de mines sont perceptibles par l’adversaire à une distance de 40 mètres !


Fin décembre, les Français – principalement des régiments issus de recrutements en Bretagne – constatent que les Allemands ont reçu sur le secteur plus de 5 000 wagons de matériel et pas moins de 60 000 sacs de sable ; dès lors, il est clair, que les Allemands vont fortifier le secteur et entreprendre un réseau de défense en souterrain. Cette stratégie consiste – entre autres – à creuser des abris profonds (7 mètres de profondeur en moyenne) qui permettra quelques mois plus tard, en juillet 1916, de préserver la vie des soldats allemands lors de la préparation d’artillerie annonciatrice de l’offensive de la Somme.

La première explosion de mine souterraine est déclenchée par les Allemands, le 2 janvier 1915 ; elle avait pour but la neutralisation des travaux français (les 4 puits) débutés par le Génie à partir des caves de la ferme de L’îlot de la Boisselle.


Les pionniers bavarois avaient sans doute abusé de leur excellente bière lors du réveillon car il semblerait qu'ils n’avaient pas les idées bien claires lors des calculs de distances et d'orientations de leurs galeries d'attaques : en effet, leur propre mine se trouve tout simplement sous leur première ligne ! La mise à feu neutralise alors toute leur aile gauche.

Leur seconde mine, quelques jours plus tard, est également mal calculée et laisse intacts les travaux français.


Face à l’impossibilité de neutraliser les Français via le sous-sol, les Allemands lancent donc une attaque de surface – par infanterie – afin de neutraliser l’accès aux puits de mines français.