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La vareuse de Peter AARUP (5.Komp IR84) de retour sur le secteur.

Il y a quelques mois, l’Association ASAPE 14-18 recevait 𝑃𝑒𝑡𝑒𝑟 𝑁𝑜𝑟𝑔𝑎𝑎𝑟𝑑 𝑀𝐴𝑇𝐻𝐼𝐴𝑆𝐸𝑁 et son père tout droit venus du Danemark sur les traces de leur aïeul : 𝗣𝗲𝘁𝗲𝗿 𝗔𝗔𝗥𝗨𝗣, appartenant à la cinquième compagnie (5.Komp) de l’ 𝐈nfanterie-𝐑egiment Von Manstein N°𝟴𝟰


Ce régiment arrive à Moulin-Sous-Touvent (𝐹𝑟𝑎𝑛𝑐𝑒, 𝑂𝑖𝑠𝑒,60350) le 01 Octobre 1914 mais ce n’est que dans la nuit du 02 au 03, sous un feu nourri de l’artillerie française que la cinquième Kompanie de Peter prend position dans ce qui sera – plus tard – une vraie première ligne. Il semblerait que l’artillerie qui accompagne ce régiment allemand souffre d’un cruel manque de munitions - en plus du manque de précision dans les tirs - les bombardements français sur les hommes de l’IR84 restent donc sans réponse de l’artillerie allemande installée aux abords du village de Nampcel. (𝐹𝑒𝑙𝑑 𝐴𝑟𝑡𝑖𝑙𝑙𝑒𝑟𝑖𝑒 𝑅𝑒𝑔𝑖𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑁°45 – 9 𝑒𝑡 24)


Comme sur le reste du front, c’est tout juste le début de la guerre de position. Les violents combats qui précèdent cette fixation viennent à peine de se terminer sur la commune. Pour atteindre ces futures positions, Peter AARUP et ses camarades de l’IR84 enjambent littéralement leurs camarades de l’IR75 et IR76, tombés quelques jours plus tôt aux abords du village.

La 5.Kompanie occupe l’aile gauche du deuxième bataillon à proximité de la route de Moulin Sous Touvent – Attichy, actuelle Départementale D85. Ils sont donc le plus au Sud et à l’opposé du hameau de Quennevières qui concentrera toutes les attentions des belligérants dans les années qui suivirent.


Peter et le reste du regiment occupent des tranchées qui ne sont alors profondes que d’un demi-mètre. Aucun abri n’est encore creusé, uniquement quelques abris couverts de tôles ici et là. Leur emplacement donne clairement l’impression que les avant-postes allemands se sont figés, là où la bataille s’est déroulée quelques jours auparavant et non d’une façon stratégique.

Seule protection pour Peter et la 5 Kompanie ; la configuration du terrain qui - légèrement encaissé - les protège des tirs directs de l’infanterie Française. Tout comme eux, les Français découvrent dans l’Oise ce que sera leur quotidien et leurs positions pour les 3 prochaines années.


L’arrivée des régiments frères du FR86 et de l’IR85 permet aux hommes de l’IR84 de mieux se redéployer aux abords de Moulin-Sous-Touvent durant la première quinzaine du mois d’Octobre. Dès lors, ce régiment va être en charge d’organiser les défenses du secteur, notamment en construisant de nombreuses de liaisons vers le profond ravin derrière leurs premières lignes. La construction des abris souterrains du secteur incombe également aux hommes de l’IR84 qui pour cette tâche, seront appuyés par 40 pionniers du deuxième et troisième bataillon du PB9. C’est ainsi que de nombreuses tranchées et lieux-dits, seront baptisés aux noms évocateurs de leur région d’origine (𝔉𝔩𝔢𝔫𝔰𝔟𝔲𝔯𝔤𝔢𝔯 𝔚𝔢𝔤 ; 𝔖𝔠𝔥𝔩𝔢𝔰𝔴𝔦𝔤𝔢𝔯 𝔚𝔢𝔤, 𝔄𝔭𝔢𝔫𝔯𝔞𝔡𝔢𝔯 𝔚𝔢𝔤, etc...)

A l’approche de l’hiver, les tranchées sont profondes désormais de 2 voir 3m, Un rapide calcul fait état de 4000m de tranchées creusées. Des abris en première et seconde lignes sont creusés et certains sont à l’épreuve des plus gros projectiles de l’époque. Nous supposons d’ailleurs que certains de ces abris, 100 ans plus tard, sont encore en parfait état et enfouis à plus de 6m de profondeur.


Les hommes de l’IR84 n’hésitent pas à récupérer dans les ruines du village de Moulin sous Touvent tout le matériel nécessaire pour plus de confort dans les tranchées et les abris... Ces pillages continueront de plus belle lorsque les derniers habitants de ce petit village, regroupés sous bonne garde dans l’église du village, seront expulsés vers le village de Nampcel puis Chauny (𝐴𝑖𝑠𝑛𝑒,02300).



La bonne santé des hommes du régiment est un point capital pour les officiers de l’IR84. Ainsi un soin tout particulier est apporté à l’organisation des latrines dans les tranchées allemandes. Cet espace est surveillé deux fois par semaine par le médecin du bataillon. Des bouteilles d’alcool y sont même suspendues afin que les hommes se désinfectent les mains après chaque passage. Ces règles d’hygiène mises en place par les officiers et médecins de l’IR84 ont permis de prévenir presque entièrement les maladies infectieuses. En plus de toutes ces mesures d’hygiène, Peter et ses camarades sont rapidement vaccinés contre le typhus, le choléra ainsi que la variole.


A l’arrivée de l’hiver, la 5.Kompanie de l’IR84 aménage une ancienne carrière de pierre de la commune. Elle sera rebaptisée « 𝕸𝖆𝖓𝖘𝖙𝖊𝖎𝖓 𝕳𝖔̈𝖍𝖑𝖊 », en l’honneur du Régiment IR84 et du 𝐺𝑒́𝑛𝑒́𝑟𝑎𝑙 𝐴𝑙𝑏𝑟𝑒𝑐ℎ𝑡 𝐺𝑢𝑠𝑡𝑎𝑣 𝑉𝑜𝑛 𝑀𝑎𝑛𝑠𝑡𝑒𝑖𝑛, héros de la guerre de 1870.

Un pillage des derniers vestiges de Moulin-Sous-Touvent permettra aux Allemands de meubler ce cantonnement souterrain. C’est ainsi que les anciens bancs de l’école communale termineront dans cette carrière pour les hommes de l’IR84. Après agencement, la 𝕸𝖆𝖓𝖘𝖙𝖊𝖎𝖓 𝕳𝖔̈𝖍𝖑𝖊 comprendra des bureaux pour les officiers, un Mess d’officiers, des dortoirs pour la troupe et une chapelle religieuse. Une liaison souterraine avec la cavité voisine permettra l’aménagement d’un poste de secours et d’une infirmerie.


Cet espace était encore orné d’une magnifique croix rouge en bois, il y a de cela quelques années. Alors que ce vestige - 𝒕𝒆́𝒎𝒐𝒊𝒏 𝒅𝒖 𝒑𝒂𝒔𝒔𝒆́ - aurait dû être inventorié, mise en valeur et sauvegardé, un individu peu respectueux de l’histoire locale s’en est emparé en l’arrachant de son support centenaire pour une collection privée


Peter AARUP et ses camarades passeront ici leur premier Noël sur le front. Le pasteur 𝐻𝑂𝐿𝑌𝑍𝐻𝐴𝑈𝑆𝐸𝑁 célébra cette première cérémonie au soir du 24 Décembre 1914. Voici d’ailleurs un extrait du journal personnel de Peter, ramené directement du Danemark à l’occasion de la rencontre avec l’ASAPE 14-18

"...𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘢𝘷𝘰𝘯𝘴 𝘳𝘦𝘤̧𝘶 𝘤𝘩𝘢𝘤𝘶𝘯 𝘶𝘯 𝘱𝘦𝘵𝘪𝘵 𝘱𝘢𝘲𝘶𝘦𝘵 𝘢𝘪𝘯𝘴𝘪 𝘲𝘶'𝘶𝘯 𝘢𝘳𝘣𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘕𝘰𝘦̈𝘭 𝘦𝘵 𝘭𝘦 𝘱𝘳𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘥𝘶 𝘳𝘦́𝘨𝘪𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘢 𝘱𝘳𝘦̂𝘤𝘩𝘦́ 𝘦́𝘷𝘢𝘯𝘨𝘪𝘭𝘦 𝘥𝘦 𝘕𝘰𝘦̈𝘭, 𝘵𝘢𝘯𝘥𝘪𝘴 𝘲𝘶𝘦 𝘭𝘦𝘴 𝘧𝘶𝘴𝘪𝘭𝘴 𝘦𝘵 𝘭𝘦𝘴 𝘮𝘪𝘵𝘳𝘢𝘪𝘭𝘭𝘦𝘶𝘴𝘦𝘴 𝘦́𝘵𝘢𝘪𝘦𝘯𝘵 𝘤𝘭𝘢𝘪𝘳𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘦𝘯𝘵𝘦𝘯𝘥𝘶𝘴 𝘢̀ 𝘭'𝘢𝘷𝘢𝘯𝘵 𝘥𝘦𝘴 𝘵𝘳𝘢𝘯𝘤𝘩𝘦́𝘦𝘴..."


Le Régiment IR84 quittera le secteur de Moulin-Sous-Touvent en Mars 1915. Peter sera légèrement blessé en Champagne. Il reviendra sur notre secteur d’Octobre 1915 à fin Janvier 1916.

Cette nouvelle occupation des tranchées de Moulin-Sous-Touvent sera cette fois-ci marquée par le duel quotidien d’artillerie de tranchées ainsi que par la guerre de mines. En Août 1916, en ligne à Verdun, Peter sera de nouveau légèrement blessé, tout comme en Septembre 1917 alors qu’il occupe la position près d’Havincourt, devant Cambrai.

Il traversa donc la Grande Guerre sans être blessé gravement, il conservera sa vareuse estampillée au numéro de son régiment et de sa compagnie. Elle fut conservée précieusement par ses descendants avant de revenir, 106 ans plus tard dans le village de Moulin-Sous-Touvent.

Ce fut un moment privilégié pour l’Association, d’accueillir et de guider sur le champ de bataille de Quennevières les descendants de Peter. Comme depuis notre création, nous essayons de répondre à toutes les demandes des familles d’anciens combattants de toute nationalité afin de retracer, le vécu de leurs aïeuls sur ces terres sanglantes de l’Oise.

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